CONGRÈS DE LA SPQ 2024 ! APPEL À COMMUNICATIONS JUSQU'AU 15 JANVIER 2024
17 octobre 2023
Site web du Congrès :
https://event.fourwaves.com/cspq2024
Congrès de la Société de philosophie du Québec
Du lundi 3 au 6 juin 2024 au Cégep de Saint-Jean-sur-Richelieu.
Appel à communications
« Histoire et avenir de la philosophie »
Quel avenir pour la philosophie ? Les idées les plus brillantes ne sont-elles pas, parfois, que des feuillets de papier qui disparaissent dans les heurts de l’histoire qu’elles essayaient désespérément de mieux comprendre ? Un demi-siècle avant notre époque, et sur un autre continent, cette question se posait déjà pour l’auteur des Thèses sur la philosophie de l’histoire.
Le 25 septembre 1940, le penseur allemand Walter Benjamin tente de traverser les montagnes des Pyrénées pour quitter la France sous occupation nazie et rejoindre la petite ville de Portbou en Espagne, où un bateau l’attend pour fuir aux États-Unis. Là-bas, il sera à l’abri des menaces antisémites. Aidé de trois passeurs, que l’on appelait alors des résistants, ils cheminèrent de nuit, pendant plus de dix heures, sur ce sentier impraticable utilisé habituellement par des contrebandiers. Mais, une fois arrivé à Portbou, Benjamin fut arrêté par la police espagnole. Dans la nuit, leur gouvernement avait décidé de fermer sa frontière avec la France. En situation irrégulière, ces policiers lui annoncent qu’ils le reconduiront demain en France, pour le remettre à la police française, où son destin funèbre ne ferait guère de doute. La nuit suivante, seul, enfermé dans une chambre d’hôtel, et désespéré, Walter Benjamin se donnera la mort en absorbant une dose importante de morphine. Sa vie s’éteignit dans la nuit du 26 septembre.
Les détails de cette dernière nuit tragique appartiennent désormais à l’histoire et sont connus de tous. Mais ce que l’on ignore, c’est le contenu de la lourde valise de cuir que Walter Benjamin emmena avec lui en tentant de traverser la frontière. Il aurait dit à ses compagnons qu’il s’agissait d’un manuscrit inédit plus précieux que sa propre personne. Encore plus important, donc, que ses Thèses sur la philosophie de l’histoire écrites quelques mois plus tôt et confiées en secret à Hannah Arendt ? La valise de cuir et le manuscrit ne furent jamais retrouvés.
Ainsi, un demi-siècle plus tard, nous saisissons l’occasion de fêter les 50 ans d’existence de la Société de Philosophie du Québec pour nous poser de nouveau cette même question brûlante : quel avenir pour la philosophie ? Car il nous semble vain de commémorer ce demi-siècle de philosophie au Québec (dont l’enseignement au collégial à partir de 1967 est contemporain), sans interroger également le statut de son avenir. Et pour ce faire, nous pouvons nous appuyer sur Benjamin, qui, dans ses Thèses, nous permet de formuler au moins trois hypothèses.
1/ Face à la question de l’avenir de la philosophie, une première hypothèse peut être formulée ainsi : la philosophie n’a pas d’avenir, car elle est par définition intemporelle. De tous temps, les êtres humains n’ont-ils pas nourri leur existence de questionnements sur les raisons de leur existence, sur le destin de l’univers et les finalités des choses ? Les crises peuvent bien se succéder aux critiques, et vice-versa, les formes d’expression de la philosophie peuvent bien s’adapter à la société du moment, cet instinct humain pour le questionnement demeure. Partant de là, il s’agit d’explorer et de cerner au plus près ce qui constitue ce noyau intemporel de la philosophie, pour le reconnaître derrière les variations des époques. Qu’est-ce qui fait l’essence, la raison d’être ou la finalité de la philosophie ? Comment les philosophes québécois.es se sont emparé.es de cette question ? Leurs réponses diffèrent-elles de celles de leurs collègues américain.es ou européen.es en la matière ?
2/ La seconde hypothèse est plus sombre : se poser la question de l’avenir de la philosophie révèle déjà l’inquiétude de sa disparition. Doit-on craindre la lente dissolution de la philosophie lors du prochain demi-siècle à venir ? Un triple mouvement semble étayer cette crainte. Tout d’abord, au sein de l’espace scolaire, la philosophie peut très bien disparaître en tant que matière d’enseignement, remplacée lors d’une réforme par d’autres matières qui semblent plus utiles et plus rentables à court terme, notamment pour les jeunes d’aujourd’hui, parfois pressés de sortir des bancs d’école pour aller travailler. Puis, au sein de l’espace culturel, la philosophie semble aux yeux de certains devenir un pan d’une culture élitiste, de plus en plus rejetée et reléguée au fond des musées que sur le devant de la scène médiatique, politique ou artistique. La philosophie académique sera-t-elle bientôt condamnée à partager le destin des facultés de théologie, la ferveur religieuse en moins, la nostalgie littéraire en plus ? Enfin, au sein de l’espace académique, peut-on voir dans l’interdisciplinarité et les cultural studies une recomposition de la discipline ?
3/ La troisième hypothèse, inverse à la seconde, parie sur la croissance et le déploiement de la philosophie, au-delà des crises temporaires ou de l’apparente immuabilité anhistorique. Au regard de l’histoire, la philosophie semble être un domaine de la pensée humaine à la fois incroyablement robuste (quels autres discours établissent des dialogues enjambant des siècles entre ses auteurs ?), mais également en constante transformation. À la pointe des découvertes et des innovations scientifiques, les philosophes aventurent leurs réflexions dans toutes les interstices ouverts par les recherches de leurs confrères. Qu’il s’agisse de l’intelligence artificielle, les progrès de la médecine ou des innovations sociales et politiques, partout les philosophes ont quelque chose à apporter à la réflexion collective. Il n’y a jamais eu autant d’étudiants et d’étudiantes en philosophie – et grâce à l’enseignement secondaire, collégial et aux universités qui, dans le monde, se multiplient. Et cela est particulièrement vrai au Québec où l’on enseigne au collégial trois cours de philosophie obligatoire, ce qui en fait une des meilleures formations du monde. Ceux et celles qui étaient présents, il y a un demi-siècle, à la fondation de la Société de Philosophie du Québec, pourraient en témoigner : nous n’avons jamais été aussi nombreux qu’aujourd’hui, et il y a fort à parier que nous le serons encore plus demain.
De ces trois hypothèses, laquelle choisir pour le Québec ? C’est la réflexion à laquelle nous vous invitons pour fêter ensemble notre demi-siècle d’existence. À la fois tourné vers le passé, pour comprendre le chemin parcouru jusqu’à aujourd’hui, mais également dirigé vers le futur, pour discerner les choix de trajectoires qui s’offrent à nous, notre appel à communications se veut résolument ouvert. Car notre souhait est de célébrer autant les retrouvailles de tous ceux et celles qui ont œuvré et marqué l’actualité de la philosophie au Québec durant ces dernières décennies, que de susciter la rencontre de tous ceux et celles qui feront la philosophie de demain, avec nos élèves, nos étudiants et nos chercheurs.
La Société de philosophie du Québec invite ses membres et tous ceux et celles qui le souhaitent à contribuer au Congrès annuel en réfléchissant aux différentes manières par lesquelles la philosophie a pris forme durant ce dernier demi-siècle et comment elle peut se déployer à l’avenir. Les propositions portant sur le thème principal peuvent adopter une approche strictement philosophique ou une méthodologie multidisciplinaire. Les propositions en philosophie portant sur d’autres thèmes (disciplinaires ou interdisciplinaires) sont également sollicitées. De plus, les propositions peuvent prendre différentes formes. Celles, plus classiques, du colloque sur une journée ou plus et de la communication individuelle, sont évidemment les bienvenues. Mais, nous souhaitons aussi souligner que les tables-rondes, ateliers participatifs, groupes de réflexion, performances artistiques et autres sont également les bienvenues. Nous sommes à votre écoute et disponibles pour réfléchir avec vous à la forme la plus adéquate à votre envie de participation.
Enfin, la Société de philosophie du Québec encourage la variété et le caractère inclusif des propositions, et tient à soutenir la diversité au sein de la discipline. Nous prêterons une attention particulière aux propositions émanant des membres de groupes traditionnellement sous-représentés en philosophie.
Le congrès aura lieu principalement en présentiel et les communications doivent être en français, langue officielle de la SPQ. Elles doivent être soumises d’ici le 15 janvier 2024 à partir du formulaire disponible ici : https://event.fourwaves.com/cspq2024
Pour toute question, n’hésitez pas à contacter Étienne Groleau et Christophe Point à l’adresse suivante : info@laspq.org.